Recueillir des preuves
Même si vous n’êtes pas prête à signaler les violences aujourd’hui, il est important d’en recueillir…
Toute personne victime de violences conjugales en France peut porter plainte pour signaler les violences, même si elle n’a pas de droit au séjour. Déposer une plainte est une étape très importante, qui peut être nécessaire pour des démarches liées à la sécurité, au logement ou encore au divorce et à la garde des enfants.
Vérifié par Commissaire Charlotte Huntz et Maître Pauline Rongier le 31/05/2023
Les violences conjugales sont interdites par la loi française. Si votre partenaire ou ex-partenaire adopte au moins l’un de ces comportements violents avec vous et/ou vos enfants, vous pouvez déposer une plainte.
Si vous décidez de déposer une plainte auprès des services de police, ils mèneront ensuite une enquête et transmettront votre plainte à un magistrat du ministère public appelé “procureur de la République” qui se chargera de l’affaire et décidera de la suite à donner à la procédure.
Même si ce n’est pas obligatoire, il est recommandé de consulter un avocat qui pourra vous conseiller et vous aider dans les démarches qui peuvent être particulièrement complexes en France. Si vous avez des ressources trop limitées pour en payer les services, vous pouvez demander la prise en charge de vos frais de justice appelée “aide juridictionnelle”.
En France, les mesures de protection ne sont pas décidées par la police mais par le juge.
Une plainte est une étape importante pour demander justice pour ce que vous avez subi.
Cette étape pourrait être nécessaire pour de nombreuses démarches liées à votre sécurité, votre droit au séjour, votre logement ou encore votre divorce et l'organisation de la garde de vos enfants.
La police peut parfois détenir l’auteur des violences immédiatement pour une courte durée, jusqu’à 48 heures. Il s’agit d’une “garde à vue”. Cela permet d’avancer l’enquête, mais il ne s’agit pas d’une condamnation.
En revanche, la procédure qui suit le dépôt de plainte pour violences conjugales est parfois très longue en France. Le système s’est amélioré ces dernières années, mais de nombreux dysfonctionnements existent encore.
Malheureusement, il faut s’armer de patience et être proactive quand vous vous engagez dans le système judiciaire français, ce qui peut être particulièrement difficile lorsqu'on essaie simplement de survivre.
En France, il est possible de déposer une plainte :
Il est conseillé de se préparer au maximum avant de déposer sa plainte en suivant les étapes suivantes :
Si vous ne vous sentez pas prête à déposer une plainte officielle, vous pouvez commencer par signaler les violences aux services de police en utilisant leur tchat multilingue pour les victimes de violences fondées sur le genre.
Ils pourront vous donner des conseils en fonction de votre situation, ou faire intervenir un policier si besoin.
Votre échange peut rester complètement anonyme si vous le souhaitez. Mais dans les cas les plus graves de violences ou si vous avez moins de 18 ans, ils seront dans l’obligation de signaler les faits à un magistrat du ministère public appelé “procureur de la République”. Celui-ci pourra décider de mener une enquête et éventuellement poursuivre l’auteur des violences.
Suite à cet échange écrit :
Une “plainte” est l’acte officiel qui déclenche une enquête.
Une “main courante” est un document officiel qui enregistre simplement les faits que vous signalez mais ne déclenche généralement pas d’enquête.
En matière de violences conjugales, les policiers ne sont pas autorisés à vous suggérer de déposer une “main courante” au lieu d'une "plainte". Cependant, vous avez le droit de demander une "main courante", si vous la préférez à une "plainte".
Attention : lorsqu’il s’agit de violences conjugales, la police a l’obligation de transmettre la “main courante” au “procureur de la République”. Celui-ci pourra décider de mener une enquête et éventuellement poursuivre l’auteur des violences si les faits sont très graves.
Si vous ne parlez pas français et/ou avez peur que les policiers ne respectent pas vos droits, vous pouvez leur présenter cette lettre.
Lorsque vous vous présentez à l’accueil du poste de police, vous pouvez demander à la personne de l’accueil que vous voulez une prise en charge discrète.
Elle vous demandera plusieurs informations :
Vous pouvez aussi demander à rencontrer un travailleur social ou un psychologue si vous le souhaitez. Cela dépendra de la disponibilité du personnel spécialisé dans ces domaines au sein du poste de police.
Vous pouvez aussi demander à obtenir les coordonnées d’une “association” spécialisée dans l’aide aux victimes de violences.
Ensuite, un enquêteur vous rencontrera pour recueillir votre témoignage lors d’une “audition”.
Si vous préférez, il est possible de déposer votre “plainte” par courrier auprès d’un magistrat du ministère public appelé “procureur de la République”. Vous pouvez demander à un avocat ou une “association” de vous aider pour rédiger la lettre et l’envoyer.
Le “procureur” enverra ensuite votre plainte à un service de police, qui sera chargé de l’enquête.
Vous serez ensuite convoquée dans un poste de police appelé “commissariat de police” ou “brigade de gendarmerie”, où l’on recueillera votre témoignage lors d’une “audition”.
Pour déposer votre plainte par courrier, suivez les étapes suivantes :
Vous pouvez demander à un avocat de vous accompagner au “commissariat” ou à la “gendarmerie” pour votre “audition”.
Un enquêteur vous rencontrera pour noter votre témoignage. On appelle cette discussion une “audition”. A savoir :
L’agent vous posera des questions pour bien comprendre la situation et remplira avec vous un document permettant d’évaluer l’urgence de votre situation, appelé “grille d’évaluation du danger”. Les questions porteront notamment sur :
Il vous demandera aussi si vous avez d’éventuelles preuves et des témoins. Il n’est pas obligatoire d’en avoir : l’enquête pourrait permettre de les rechercher.
A la fin de “l’audition”, l’agent de police va vous proposer de voir un médecin au sein d’un service médical spécialisé appelé “Unité médico-judiciaire (UMJ)”. Normalement, c’est l’agent de police qui prend rendez-vous pour vous avec ce médecin.
A savoir :
A la fin de “l’audition”, vous recevrez trois documents importants.
Malheureusement, vous ne serez pas systématiquement informée des actions que vont mettre en place les services de police suite à votre plainte.
S’ils estiment que les faits sont suffisamment graves, ils peuvent décider de convoquer l’auteur des violences pour l’interroger. En fonction de la gravité des faits, il peut être convoqué :
Attention : vous ne serez pas systématiquement prévenue du moment où “l’audition” se tiendra ou de la fin de la “garde à vue”. Il est donc important de prendre des mesures de sécurité si vous avez peur de représailles de l'agresseur.
Si vous vivez toujours avec l’auteur des violences et que vous ne vous sentez pas en sécurité chez vous, vous pouvez demander au juge des familles appelé “Juge aux affaires familiales” d’expulser l’auteur des violences du logement, même si le logement est à son nom. Cela se fait dans le cadre d’une “ordonnance de protection” et peut prendre une semaine.
En attendant, vous pouvez demander aux services de police de vous aider à trouver un hébergement d’urgence, ou chercher d’autres solutions.
Vous pouvez aussi leur demander de vous accompagner pour récupérer des affaires chez vous.
Lors du rendez-vous, le médecin a pour rôle d’évaluer les conséquences physiques et psychologiques des violences sur votre santé, même celles qui ne laissent pas de traces physiques.
Il est essentiel de décrire en détail les violences que vous avez subies et les conséquences qu’elles ont eues sur vous. Cela peut être très éprouvant, mais c’est essentiel pour que vous puissiez faire valoir vos droits par la suite. Même si c'est très difficile, essayez de ne pas minimiser les impacts que les violences ont pu avoir sur votre santé.
A la fin du rendez-vous, le médecin rédigera un certificat médical précisant un numéro appelé “Incapacité temporaire de travail (ITT)”. Ce numéro a pour rôle d’évaluer la gravité des conséquences des violences sur votre santé physique et mentale. Il sera pris en compte par le juge dans le cadre de la procédure pénale.
Avant de partir, demandez au médecin de “l’UMJ” :
La police va mener une enquête et interroger l’auteur des violences appelé “mis en cause”.
En fonction de la gravité des faits, le mis en cause peut être convoqué au poste de police :
Attention : vous ne serez pas systématiquement prévenue du moment où “l’audition” se tiendra ou de la fin de la “garde à vue”. Il est donc important de prendre des mesures de sécurité si vous avez peur de représailles de l'agresseur.
Si l’auteur des violences nie les faits, les services de police vous proposeront un rendez-vous en sa présence appelé “confrontation”. Il est fortement conseillé d’y aller car votre absence pourrait malheureusement jouer en votre défaveur, par exemple si l’auteur des violences fait de fausses accusations contre vous. Si vous avez besoin de soutien, vous pouvez vous faire accompagner par un avocat.
En fonction de la complexité de l’affaire, l’enquête durera de quelques semaines à plusieurs mois.
Lorsque les faits sont très graves, le “procureur de la République” peut décider de faire juger l’auteur des violences tout de suite après sa “garde à vue”. On parle de “comparution immédiate”.
Malheureusement, vous ne serez pas automatiquement tenue informée de l’avancée de l’enquête.
Si vous voulez savoir où ça en est, vous avez deux solutions :
Tout au long de l’enquête, les services de police enverront des comptes-rendus au magistrat du ministère public appelé “procureur de la République” en charge du dossier. Il se peut qu’ils vous tiennent également informée, mais ce n’est malheureusement pas automatique.
Quand le “procureur de la République” recevra le dernier compte-rendu, il prendra une décision concernant la suite de la procédure. Il pourra décider de :
Normalement, vous serez informée de sa décision par courrier à l’adresse que vous avez fournie lors de votre dépôt de plainte. Mais il arrive que cela ne soit pas fait.
Si vous n’avez aucune nouvelle pendant plusieurs semaines, vous pouvez écrire au “procureur de la République” pour savoir où en est la procédure. Pour trouver ses coordonnées, vous pouvez utiliser cet annuaire en précisant votre code postal et sélectionnant le “tribunal judiciaire”.
Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision du “procureur de la République”, vous pouvez demander à un juge d’étudier l’affaire en faisant “appel”. Il est fortement recommandé d’engager un avocat pour faire ces démarches.
Si le “procureur de la République” décide de faire juger le suspect au tribunal, un juge va examiner les preuves et entendre les différentes parties :
Vous allez recevoir un document appelé “convocation” à l’adresse que vous avez donnée lors du dépôt de plainte. Ce document vous demande de vous présenter au tribunal pour témoigner dans le cadre d’une “audience”. Il précisera la date, l’heure et le lieu.
Il est fortement recommandé d’engager un avocat pour vous accompagner à “l’audience”.
A savoir :
A la fin du procès, le juge décidera de la culpabilité de la personne qui est jugée, ainsi que de sa peine. Il peut décider de :
Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision du juge, vous pouvez demander à un autre de juge d’étudier l’affaire en faisant “appel” par l’intermédiaire de votre avocat.
Si vous avez peur que les services de police ne respectent pas vos droits et refusent votre plainte, vous pouvez leur présenter cette lettre.
Les services de police ne sont pas autorisés à refuser une plainte. Si cela arrive, vous pouvez :
Par ailleurs, en refusant votre plainte, l’agent de police n’a pas respecté la loi. Vous pouvez signaler le non-respect de la loi :
La police n’a pas le droit de vous proposer une “main courante” pour des violences conjugales. La “main courante” permet simplement de signaler les violences, mais aucune action ne suivra.
Par ailleurs, en refusant votre plainte, l’agent de police n’a pas respecté la loi. Vous pouvez signaler le non-respect de la loi :
A savoir : vous pouvez demander à faire une “main courante” de vous-même si vous voulez garder une preuve des violences mais que vous n’êtes pas prête à poursuivre l’auteur des violences en justice. Cependant, lorsqu’il s’agit de violences conjugales, la police a l’obligation de transmettre la “main courante” au “procureur de la République”. Celui-ci pourra décider de mener une enquête et éventuellement poursuivre l’auteur des violences si les faits sont très graves.
Il est inacceptable que vous subissiez des discriminations tout en essayant de demander protection à la justice, mais cela arrive encore malheureusement.
Il existe des solutions pour signaler ces discriminations et obtenir réparation du préjudice qu’elles vous ont causé. En savoir plus
Le “procureur de la République” doit normalement vous tenir informée de l’avancée de l’enquête et de sa décision concernant l’auteur des violences. Malheureusement, il arrive que cela ne soit pas fait.
Si vous n’avez pas de nouvelles après plusieurs semaines, vous pouvez écrire au “procureur de la République” en charge de l’affaire pour savoir où en est votre dossier en suivant les étapes suivantes :
Si vous ne parlez pas français, vous pouvez apporter cette lettre en allant au poste de police. La lettre rappelle aux services de police leur obligation de faire venir un interprète pour votre dépôt de plainte.
Dans la pratique, cela dépendra des disponibilités des interprètes dans votre langue. Il se peut qu’ils vous demandent de revenir à un autre moment.
Vous avez plusieurs autres solutions :
Oui, si vous n’avez pas dépassé un certain délai. C’est ce que l’on appelle le “délai de prescription” prévu par la loi. Les délais légaux sont de :
En France, la police a pour rôle de vous protéger si vous êtes en danger. Les officiers de police ont l’obligation de respecter les droits de l'Homme sans aucune discrimination, même si cela arrive encore malheureusement.
Vous avez le droit d’être assistée de la personne de votre choix lors du dépôt de plainte.
Si vous avez peur, vous pouvez aussi déposer votre plainte par courrier. Néanmoins, vous serez quand même convoquée par les services de police pour répondre à leurs questions dans le cadre d’une “audition”.
S’il ne vous est pas possible de vous rendre dans un “commissariat de police” ou une “brigade de gendarmerie” près de chez vous, vous pouvez aussi déposer votre plainte par courrier.
Néanmoins, vous serez quand même convoquée par les services de police pour répondre à leurs questions dans le cadre d’une “audition”. Vous pouvez mentionner vos difficultés de déplacement à ce moment-là.
Une condamnation pour des faits de violences conjugales n’entraîne pas systématiquement l'emprisonnement de l’auteur des violences. Le juge peut aussi décider de :
Dans tous les cas, vous n'êtes pas responsable de la condamnation qui sera décidée par le juge.
Seul l'auteur des violences est responsable de ses actes.
Si possible, préparez-vous avant de faire le dépôt. Vous pouvez recueillir des preuves et notez les faits et dates clés à avoir sur vous pour “l’audition”.
Vous pouvez vous faire accompagner dans vos démarches par un avocat ou une organisation offrant des services gratuits appelée “association” spécialisée dans l’aide aux victimes de violences.
Lors du dépôt, faites de votre mieux pour éviter de faire des erreurs. Par exemple, si vous n’êtes pas sûre d’une date, ne l’inventez pas. Ces petits détails pourraient se retourner contre vous si votre partenaire ou ex-partenaire peut prouver qu’ils sont faux.
Si vous oubliez des informations, ne vous inquiétez pas. Vous pourrez compléter votre plainte en déposant un complément à votre plainte appelé “complément de plainte” par courrier ou sur place pour ajouter des informations.
Déposer une plainte et demander des mesures de protection est votre droit, que vous ayez un droit au séjour valide ou non.
En France, si vous demandez aux services de police d’intervenir suite à des violences, ils n’ont pas le droit de vous placer en détention sous prétexte que vous n’avez pas de droit au séjour valide.
Si vous avez peur qu’ils ne respectent pas vos droits, vous pouvez leur présenter cette lettre qui leur rappelle qu’ils ne peuvent pas vous détenir.
Si possible, prévenez quelqu’un de votre entourage ou une organisation offrant des services gratuits appelée “association” spécialisée en droit des étrangers au moment où vous allez porter plainte. Cela vous fera vous sentir plus en sécurité si l’agent de police ne respecte pas la loi.
La police a pour rôle d’assurer la sécurité de toutes les personnes, quelle que soit leur situation, même sans droit au séjour. Un officier de police pourra vous conseiller et vous proposer son assistance 24h/24 et 7j/7.
Il existe quatre moyens principaux de contacter les services de police :
Les “Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF)” aident le public, en particulier les femmes, dans de nombreux domaines tels que : l’accès au droit, la santé, la recherche d’emploi, la formation, la création d’entreprise ou encore les modes de garde d’enfants.
Les “associations” sont des organisations qui offrent des services divers.
Les informations ci-dessus ont été rédigées avec la plus grande attention. Cependant, elles ne sont pas destinées à remplacer les conseils que vous pourriez recevoir de professionnels. Les lois et procédures changeant régulièrement, il est important de consulter des professionnels qualifiés dans ce domaine.
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